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Marie-Céline de la Présentation
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26 décembre 2019

Correspondance de Marie-Céline - 11e Lettre

Correspondance de la Bienheureuse Marie-Céline de la Présentation

 

11e Lettre

Lettre à sa sœur

 

Présentation

 

Germaine, présentée à l’ensemble de la Communauté des Clarisses de Bordeaux-Talence, fait l’unanimité. La date de son entrée est fixée au 12 juin (1896), fête du Sacré-Cœur….Germaine n’a pas encore 18 ans, il lui faut donc l’autorisation de son père. Germain ne s’enthousiasme plus pour la vocation de sa fille. Il a entrevu un bonheur possible avec elle à ses côtés, alors il freine, négocie, demande l’avis de Lucie. Germaine trépigne et plaide sa cause auprès de sa sœur. C’est un véritable plaidoyer pour lequel Germaine retrouve son autorité : « très chère Sœur, si tu m’aimes et si tu as compris les souffrances de mon cœur par le passé, examine les choses et regarde l’admirable providence. Dieu m’attendait à cette heure et sûrement, c’est Clarisse qu’il me veut…..Voyons très chère Sœur, il ne faut pas être égoïste…Je demande qu’on me laisse essayer…Ai-je mis un obstacle à ton départ à toi, non ... J’ai été choisie, réjouis-toi avec moi.» On ne peut être plus convainquant !

(Avec l’aimable autorisation de madame Danièle GATTI)

 

Bordeaux, le 12 avril 1896

 

Très Chère et Bien-aimée Sœur,

 

Attends-tu ma lettre ? Je n’en sais rien. M’aura-t-on devancé ? Peut-être bien, mais pour te raconter la chose comme elle s’est vraiment passée, personne n’en est plus capable que moi. Aussi je vais m’empresser de t’expliquer la chose.

Le lundi de Pâques, mes compagnes étant en vacances, Sœur Noémie étant toujours disposée à faire plaisir, m’a permis de sortir en promenade avec une sous-maîtresse. Vers la fin de la promenade, nous nous rendons aux Clarisses, voir une Religieuse de notre connaissance ; sans songer à rien sur ma vocation, je me suis à dire : « Oh, qu’elles sont donc heureuses ces bonnes Religieuses, jamais je n’aurai ce bonheur, oh si je pouvais entrer.» Cette bonne Religieuse m’a demandé si je voulais parler à la Mère Abbesse et lui expliquer ma situation. Je ne comptais pas du tout sur moi pour une chose qui me semblait vraiment insurmontable, mais c’était le Seigneur qui me guidait, Il m’avait donc préparé les voies.

Les grilles se sont abaissées pour moi et m’ont laissé apercevoir quatre bonnes Mères ayant toutes la bonté peinte sur le visage. En toute autre circonstance je me serais sentie rougir, mais non, on aurait dit que j’avais passé ma vie avec elles. Elles m’ont beaucoup questionnée sur toi et sur toute la famille. Mère Vicaire faisait le rôle de suppliante auprès de la Révérende Mère Abbesse. Enfin, elles m’ont quittée en me disant : « priez et espérez ».

N’est-ce pas pour moi la réalisation de tous mes rêves ? C’en était trop, la joie m’étouffait mais il y a bien encore autre chose. Mercredi matin, on envoie à bonne Mère St Pierre un billet pour lui annoncer que je suis reçue et qu’on me demandait dimanche à ma grande stupéfaction. Notre bonne Mère a vu comment Dieu appelle les âmes, comme Il se sert de tout pour les amener à Lui.

Elle est venue m’annoncer cette heureuse nouvelle en me disant d’écrire à Papa, ce que j’ai fait immédiatement. En attendant la réponse je me suis rendue dimanche chez les bonnes Clarisses où l’on m’a ouvert de nouveau la grille, mais cette fois il y avait plusieurs de ces bonnes Religieuses ; entre autres l’on m’en a montré une qui était entrée à quinze ans, elle en a maintenant dix-huit et elle sera mon bon ange. Elles m’ont parlé longtemps et elles ont décidé que s’il n’y avait pas d’empêchement, elles me recevraient le jour de Notre Dame du Bon Conseil. Lorsqu’on est infirme, on paie double dot mais pour moi, il y avait exception de tout, je leur ai même fait voir ma jambe.

Il n‘y a plus que la permission de Papa, dont je viens de lire la lettre me disant qu’il n’agira que d’après ton avis. Très chère Sœur, si tu m’aimes et que tu aies compris les souffrances de mon cœur par le passé, examine les choses et regarde l’admirable Providence. Mon premier désir était la vie contemplative, la vie des Sœurs de Ste Claire. J’ai eu un refus, je n’avais alors que quinze ans. A la vue du monastère, j’ai eu une impression que je ne pourrai jamais dépeindre. J’étais résignée à aller n’importe où, j’ai demandé l’année dernière, à l’époque de la retraite, à entrer de nouveau dans quelque communauté que ce soit, j’ai eu un second refus. Dieu m’attendait à cette heure et sûrement, c’est Clarisse qu’Il me veut. Je me réjouis et toutes mes Maîtresses avec moi, mon Confesseur lui-même admire les desseins de Dieu sur moi.

Voyons, très chère Sœur, il ne faut pas être égoïste et il ne faut pas surtout te faire de peine, mais il faut te réjouir avec moi. Comprends bien la chose, tu ne veux pas que j’aille avec mon cher Papa, ce n’est pas mon idée non plus ; tu voudrais que je reste longtemps ici, ce n’est pas mon goût. Tu sais que depuis bien longtemps je nourrissais ce désir dans mon cœur, je ne rentrerai donc pas d’un coup de tête ou sans réflexion, et puis, si tu savais comme on est heureux. Ensuite il y a un apprentissage à tout, je demande qu’on me laisse essayer. Sois donc très chère Sœur suppliante auprès de Papa. Je quitte tout mais je trouverai tout. Je connais les misères de la vie et celles du Couvent. Puisque nous allons à Dieu autant vaut se donner toute entière. Et puis il ne faut pas s’effrayer, il n’y a que six mois de postulat et puis je ne jeûnerai pas jusqu’à vingt et un an. On marche nu-pieds, belle affaire, j’ai aussi froid avec des gros bas de laine que quand je n’en ai pas. Mes engelures n’ont percé que lorsque j’ai été faire de grandes courses pour la mort de notre pauvre Maman. Elles n’ont pas percé depuis, et puis si c’est la volonté du Bon Dieu, je réussirai, et puis l’on écrit de temps en temps, l’on peut voir ses parents deux ou trois fois l’année. Et puis chère Sœur ai-je mis obstacle lorsque tu es entrée, non, et bien, j’ai bien du regret de quitter ce que j’ai de cher ici-bas, mais le sacrifice n’en sera que plus agréable à Dieu.

Explique donc les choses à Papa et montre-Lui que le vrai bonheur n’est pas ici-bas, mais qu’on le possède lorsqu’on est à Jésus sans retour. Ne m’as-tu pas dit toi-même bien des fois que ce n’est pas nous qui nous choisissions et j’ai été choisie, réjouis-toi avec moi.

Deux mots sur mon pauvre Guilbert, il est ici à Bordeaux depuis vendredi soir, bien malade, la fièvre ne le quitte pas, il a beaucoup souffert de la faim et de la soif et de beaucoup d’autres privations. Il a encore sept mois pour finir son service. Il est parti aujourd’hui pour Rochefort, il aurait été en convalescence au pays, mais il a écrit à Papa, pas de réponse. A la prochaine lettre, je t’en dirai plus long à son sujet.

Devant te quitter, je veux te dire d’embrasser bien fort mes petites sœurs et de les remercier de leur gentille lettre.

 

Ta sœur qui t’aime et t’aimera jusqu’au dernier jour,

Germaine Castang.

 

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